Selon l'administration fiscale, les pensions de retraites doivent être considérées comme des revenu de nature professionnelle pour la détermination du seuil définissant les LMP au sens de l'impôt sur le revenu. Mais en matière d'IFI au contraire, l'administration considère que les pensions de retraite ne doivent pas être prises en compte. C'est ainsi qu'un retraitéqui touche une pension supérieure à ses recettes de location meublée peut avoir la qualité de LMNP au sens de l'impôt sur le revenu et bénéficier de l'exonération IFI, sous réserve de respecter les autres conditions d'exonération (recettes supérieures à 23 K€ et activité professionnelle principale au sens de l'implication personnelle).
Selon la doctrine administrative, les pensions de retraites ont des revenus professionnels (BOI-BIC-CHAMP-40-10n° 150, 12 septembre 2012).
Cette position paraît difficilement contestable.
Elle est opposée à celle retenue en matière d'ISF et d'IFI(FRASSA JO Sénat du 27/08/2020 - page 3707).
Pour qu'un retraité puisse être considéré comme un LMP ausens de l'impôt sur le revenu, il est donc nécessaire que les recettes brutesde location soient supérieures à sa pension.
Mais si un retraité à une pension (en net imposable aprèsdéduction de l'abattement de 10 %) supérieure à ses recettes brutes delocation, il peut relever du régime des LMNP, souvent plus favorable.L'exonération d'IFI est alors possible sous réserve de remplir les conditionsde cette exonération, c’est-à-dire : avoir des recettes supérieures à 23 K€,avoir un revenu net comptable supérieur aux autres revenus professionnelles(donc en excluant les pensions) et exercer une activité professionnelleprincipale d'exploitant de location meublée (au sens de l'implicationpersonnelle).
L'ancienne obligation de l'inscription au RCS et les effets dans le temps de son abrogation
Cette condition d'inscription au RCS était une grossièreanomalie car l'activité de location meublée sans prestations hôtelière n'estpas commerciale. Donc le code général des impôts imposait une conditionillicite !
Pour rattraper cette grossière erreur, l'administrationfiscale a admis que si le greffe d'un tribunal de commerce a refusél'inscription, le contribuable pouvait quand même revendiquer le régime du LMPà condition de démontrer qu'il a fait la demande d'inscription et qu'il aessuyé un refus (BOI-BIC-CHAMP-40-10n° 80). Il faut conserver la lettre de refus.
La décision du conseil constitutionnel
Dans une décision du 8 février 2018 (2017-689 QPC), le ConseilConstitutionnel a abrogé la condition d'inscription au registre du commerce etdes sociétés (RCS) pour les loueurs en meublé professionnels (LMP).
Le Conseil Constitutionnel a indiqué :
"En subordonnant le bénéfice de l'exonération [151 septies] à l'inscription au registre du commerce et des sociétés, le législateur a entendu empêcher que des personnes exerçant l'activité de loueur en meublé à titre seulement occasionnel en bénéficient.
Toutefois, l'article L. 123-1 du code de commerce prévoit que seules peuvent être inscrites au registre du commerce et des sociétés les personnes physiques «ayant la qualité de commerçant », laquelle est, en vertu de l'article L. 121-1du même code, conférée à « ceux qui exercent des actes de commerce … ». Dès lors, en subordonnant le bénéfice de l'exonération à une condition spécifique aux commerçants, alors même que l'activité de location de biens immeubles ne constitue pas un acte de commerce au sens de l'article L. 110-1 du même code, le législateur ne s'est pas fondé sur un critère objectif et rationnel en fonction du but visé. Par conséquent, les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques."
La décision du Conseil Constitutionnel se limite à l'abrogation de la condition et ne prévoit aucune règle particulière sur les modalités pratiques de la mise en œuvre de l'abrogation, alors pourtant qu'il aurait pu le faire.
L'article 62 de la Constitution indique dans son deuxième alinéa :
"Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause."
Dans les commentaires officiels du Conseil Constitutionnel de la décision il est indiqué notamment :
"Le raisonnement ainsi suivi par le Conseil constitutionnel ne priverait pas le législateur de la possibilité, s’il le souhaitait, de modifier les dispositions dont il s’agit afin de subordonner la qualité de loueur en meublé professionnel à une condition permettant d’officialiser l’activité en cause, afin de la distinguer notamment de la simple gestion ponctuelle du patrimoine personnel d’un loueur occasionnel. À cette fin, le législateur pourrait par exemple modifier les règles d’inscription au RCS, en élargissant celles-ci aux professionnels de la location en meublé, ou encore en retenant un tout autre critère permettant d’établir le caractère régulier et continu de l’activité exercée."
La première position des services fiscaux au BOFIP
L'administration a pris en compte cette décision au BOFIP (actualité 20mars 2019 http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/11732-PGP) mais de façon très sommaire.
Dans son commentaire, l'administration se contentait d'indiquer :
"Dans une décision n° 2017-689 QPC du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution, pour la qualification de loueur en meublé à titre professionnel, la condition tenant à l’obligation d’inscription d’un des membres du foyer fiscal au RCS prévue alors au VII de l'article 151 septies du CGI. À compter de cette décision, la condition d'inscription au RCS figurant dans les dispositions actuelles de l'article 155du CGI n'est plus exigée pour la qualification de loueur en meublé professionnel."
Ce point a été repris au BOFIP BIC 40 10 n° 45 (20 mars 2019) :
"Ladéclaration d'inconstitutionnalité de la condition d'inscription au registre ducommerce et des sociétés pour la qualification de loueur en meublé professionnelintervient à compter du 8 février 2018."
Le caractèreprofessionnel de l'activité de loueur en meublé s'apprécie donc désormais auregard des deux seules conditions prévues aux 2° et 3° du 2 du IV de l'article 155 du CGI."
L'administration considérait donc que l'abrogation de la conditiond'inscription au RCS s'applique aussi au régime de l'article 155 du CGI alorsque, formellement, l'abrogation du Conseil Constitutionnel portait bien surcette condition, mais seulement quand elle figurait à l'article 151 septies.
L'administration met à jour sa doctrine officielle qui, jusqu'à cetteprécision, continuait d'exiger la condition d'inscription.
Mais elle ne donnait aucune précision sur la manière d'interpréter ladisparition de la condition au titre de l'année 2018.
L'administration se contentait de rappeler le principe constitutionnel :l'abrogation prend effet au jour de la décision.
La position actuelle figurant au BOFIP
L'administration a retiré tout commentaire sur la conditiond'inscription au RCS.
Le caractère obligatoire et annuel du statut de LMP
Le régime du LMP n'est pas une option.
Le respect des conditions du régime LMP s'apprécie toujours sur une baseannuelle
Une même personne ne peut être LMNP une partie de l'année, puis LMP l'autrepartie de l'année. C'est un régime nécessairement annuel.
Il s'agit en effet d'une catégorie d'imposition des revenus et lescatégories sont d'appréciation annuelle.
De plus, lorsqu'un régime de faveur prévoit le respect d'une condition,il est généralement admis que la condition doit être respectée dès le début del'année et tout au long de l'année concernée par l'application de ce régime defaveur.
Enfin, les seuils des deux conditions sont des seuils qui s'apprécientannuellement, ce qui est certes prévu par le texte de l'article 155 du CGI(voir CE 24 octobre 2014n° 375358, 8e et 3e s.-s., L. : RJF 1/15 n° 4).
Par ailleurs cette solution est conforme à la doctrine administrativequi évoque le fait que c'est seulement en fin d'année qu'une personne peutsavoir si elle est LMP ou LMNP, ce qui peut obliger par exemple à corriger unedéclaration de plus-value notariée faite par erreur en LMNP en cas de vented'un immeuble en cours d'année :
"Le contribuable ne sachant pas nécessairement lors de la cession s'il sera considéré, au titre de l'année de cession, comme un loueur en meublé professionnel ou comme un loueur en meublé non professionnel, il pourra être admis que celui-ci soumette la plus-value aux règles qui découlent du statut qui était le sien l'année précédente et, si nécessaire, régularise le montant dû lors de l'imposition des revenus de l'année de cession. Sous réserve des cas visés à l'article 1729 du CGI, cette régularisation pourra s'effectuer sans pénalités ni intérêts de retard." (BOI-BIC-CHAMP-40-20n° 470)
L'abrogation porte aussi sur la condition de l'article 155 du CGI
Le Conseil Constitutionnel n'a pas abrogé la condition d'inscription au RCS, il a abrogé cette condition telle qu'elle figurait au VII de l'ancien article 151 septies du CGI.
Les dispositions de l'article 151 septies, VII du CGI subordonnant la reconnaissance de la qualité de loueur en meublé professionnel là une inscription d'un membre du foyer fiscal en cette qualité au RCS ont été transférées dans des termes identiques à l'article 155, IV du même Code par l'article 13 de la loi 2010-1658 du 29 décembre 2010.
C'est d'ailleurs ce qui est indiqué par les commentaires officiels de la décision publiés par le Conseil Constitutionnel :
"Tout en demeurant inchangée, la définition du loueur en meublé professionnel a ensuite été déplacée au 2 du paragraphe IV de l’article 155 du CGI par la loi n°2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010. "
L'absence d'effet rétroactif aux décisions du Conseil Constitutionnel
En principe les décisions du Conseil Constitutionnel sont d'effet immédiat et sans effet rétroactif. L'abrogation des textes ne s'applique que pour l'avenir (art. 62 précité de la Constitution).
Le Conseil Constitutionnel peut prévoir des effets reportés mais la décision précitée du 8 février 2018 ne prévoyait aucun report ni aucun régime particulier pour la prise d'effet.
Loi de finances pour 2020
Dans la loi de finances pour 2020, il a été prévu la suppression de la condition d'inscription au RCS avec effet au 1er janvier 2020.
Texte de loi :
Article 50 septies :
"I. – Le2 du IV de l’article 155 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux » ;
2° Le 1° est abrogé.
II. – Le 2 duIV de l’article 155 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant duI du présent article, s’applique aux revenus et profits perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2020."
Du coup, les précédents commentaires ont été retirés du BOFIP. Il n'y a plus de mention sur la décision du Conseil Constitutionnel.
Il est assez curieux que la loi prévoit un effet au 1er janvier 2020.C'est inconstitutionnel car une décision du Conseil Constitutionnel est d'effet immédiat et la loi ne peut déroger à ce principe.
Comme le texte adopté renvoie à une date d'effet au 1er janvier 2020,cela pourrait servir à ceux qui y ont intérêt à revendiquer le régime LMNP en2018 et 2019 en l'absence d'inscription au RCS, en partant du principe que la condition d'inscription était toujours obligatoire selon la loi avant 2020.
Le régime LMP revendiqué pour les 5 années antérieures à l'année 2018 encas de rappel portant sur une plus-value réalisée en 2018
Cette question porte sur une situation particulière.
C'est un loueur en meublé non inscrit au RCS mais qui remplit les conditions de seuil depuis 2014, soit 5 années avant 2018.
De plus, son chiffre d'affaires au titre de la moyenne des années 2016et 2017 est inférieur à 90 K€.
Dans ces conditions la question est la suivante :
A supposer que ce contribuable puisse être traité comme un LMP au titre de l'année 2018, suite à l'abrogation de la condition d'inscription au RCS qui s'appliquerait pour toute l'année, ne pourrait-il pas faire valoir qu'en tout état de cause, il peut revendiquer le régime de l'exonération de plus-value prévu à l'article 151 septies pour les LMP qui exerce depuis au moins 5 ans et qui ont un chiffre d'affaires moyen de moins de 90 K€ ?
Selon moi cette position peut se défendre.
En effet, dans cette hypothèse le fait générateur de l'impôt est la réalisation de la plus-value faite en 2018. Donc il est possible de considérer que, à la date de la réalisation de la plus-value, il faut supprimer la condition d'inscription au RCS dans toutes les appréciations relatives au régime de cette plus-value.
Dans cette logique le régime LMNP déclaré au titre des années antérieures peut être requalifié en LMP, mais uniquement pour les besoins de l'imposition de la plus-value réalisée au titre de l'année 2018.
De cette façon, ce contribuable, perdant le régime LMNP, pourrait récupérer un régime LMP lui offrant l'exonération de plus-value.
Paul Duvaux est un expert en fiscalité depuis 30 ans, avec bientôt 10 ans de spécialisation dans le meublé. Il est l'auteur des contenus du site, apportant ses connaissances et son expertise pour informer les futurs lecteurs sur les dernières tendances et les meilleures pratiques en matière de location meublée. Avec plus de trois décennies d'expérience dans le domaine de la fiscalité, Paul Duvaux est un expert incontesté en la matière.